
Taxe Zucman : des entrepreneurs de la French Tech plaident pour une contribution accrue
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Dans un paysage politique saturé de débats fiscaux, la tribune signée par Armand Thiberge (Brevo), Jean-Baptiste Rudelle (Criteo) et Marc Batty (Dataiku, FEVE) a ce dimanche créé la surprise dans les colonnes de nos confrères de La Tribune et partagée par leurs auteurs sur Linked In. Ces trois figures de la French Tech, directement concernées par la taxe Zucman, défendent publiquement l’idée que les très grands patrimoines doivent contribuer davantage. Une position qui tranche avec la ligne dominante des organisations patronales, telles que le MEDEF, l’Afep, France Digitale ou CroissancePlus, traditionnellement opposées à toute hausse de fiscalité du capital.
Quand la société réclame justice
Alors que la France est déjà l’un des pays les plus redistributifs, selon les chiffres de l’Insee, 57 % des personnes reçoivent plus qu’elles ne versent, une fois prise en compte la redistribution élargie (transferts monétaires et services publics) et ce alors même que seuls 44,7 % des foyers fiscaux sont imposables à l’impôt sur le revenu, le soutien à la taxe Zucman est massif avec 86 % des Français qui y sont favorables.
Cette adhésion s’explique par une réalité chiffrée, entre 2003 et 2023, le patrimoine des 500 Français les plus riches a progressé de 12 % par an en moyenne, contre 1,4 % pour le reste des ménages. Cet écart nourrit une demande d’équité fiscale difficile à ignorer.
Le vrai débat : l’assiette et la dynamique des patrimoines
Le cœur du problème n’est donc pas que « les riches ne paient pas », mais que la fiscalité frappe essentiellement les revenus réalisés (salaires, dividendes, plus-values lors de cessions), alors que la hausse de valeur latente des très grands patrimoines peut s’accumuler sans être imposée. C’est cette asymétrie, entre travail immédiatement taxé et capital en croissance différée, que la taxe Zucman entend cibler.
Les propositions des signataires
Armand Thiberge (Brevo), Jean-Baptiste Rudelle (Criteo) et Marc Batty (Dataiku) avancent plusieurs solutions pour rendre la taxe applicable et crédible :
- Taxer l’accroissement du patrimoine, plutôt que les seuls revenus déclarés.
- Autoriser le paiement en actions via un fonds géré par la BPI, avec maintien des droits de vote délégués au cédant et une option de rachat, afin de résoudre la question de l’illiquidité.
- Limiter l’exil fiscal, en renforçant l’exit tax et en envisageant une imposition mondiale des plus grandes fortunes françaises, à l’image du modèle américain.
- Assumer la portée symbolique : la taxe n’est pas conçue comme un outil budgétaire majeur, mais comme un test de solidarité nationale.
Balayer les objections récurrentes
Les opposants à la taxe Zucman avancent souvent trois arguments, à commencer par l’illiquidité des titres détenus par les entrepreneurs, mais aussi le risque de fuite des talents et la crainte d’un frein à l’innovation. La tribune prend ces critiques de front.
Sur la question de l’illiquidité, les auteurs rappellent qu’un mécanisme simple existe, permettre de régler l’impôt en actions, confiées à un fonds géré par la BPI. Les droits de vote resteraient délégués à l’entrepreneur et une option de rachat permettrait de récupérer les titres une fois les liquidités disponibles. Autrement dit, il n’y a pas besoin de ventes forcées pour s’acquitter de l’impôt.
Concernant la fuite des talents, ils soulignent que le dispositif d’exit tax encadre déjà largement les départs. Et si certains redoutent malgré tout un exode, les signataires évoquent la possibilité d’aller plus loin, en s’inspirant du modèle américain d’imposition mondiale. Dans ce schéma, les plus grandes fortunes resteraient imposables en France même si elles choisissaient de s’installer à l’étranger, réduisant l’intérêt des stratégies d’évasion.
Quant au frein à l’innovation, ils l’écartent en prenant l’exemple de la Californie. L’État américain applique des taux marginaux d’imposition supérieurs à ceux de la France, tout en restant l’épicentre mondial de l’entrepreneuriat technologique. Pour les signataires, la dynamique entrepreneuriale repose d’abord sur un état d’esprit et un écosystème, bien plus que sur le seul niveau de taxation.