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[DECODE] Quelle place pour le jeu vidéo dans le business d’Apple?

Fin janvier dernier, des rumeurs circulaient outre-Atlantique sur le lancement prochain par Apple d’un service de jeux vidéo en streaming par abonnement. La firme de Cupertino aurait ainsi entamé des discussions avec des développeurs au second semestre 2018 pour mettre en place ce que d’aucuns appellent déjà le « Netflix du jeu vidéo ». Comme le géant de la vidéo à la demande, Apple pourrait effectivement proposer une offre via laquelle les utilisateurs payeront un abonnement mensuel en échange de l’accès à un pack de produits – ici, des jeux vidéo. La plateforme se distinguerait par-là des achats ponctuels de jeux mobile vendus sur l’App Store de l’entreprise californienne. Entre besoin de diversifier ses services face au ralentissement des ventes son produit phare, l’iPhone, et ambition de profiter d’un marché du jeu vidéo en pleine dématérialisation, Apple pourrait tenter de rivaliser sur le terrain des plateformes de distribution de jeux vidéo avec le mastodonte Steam, ainsi que d’autres acteurs émergents. Mais avec quel modèle et quel positionnement ?

Une stratégie de diversification bien enclenchée

Le lancement d’une plateforme de distribution dématérialisée de jeux vidéo n’a à ce jour pas été confirmé par l’entreprise. Apple pourrait même très bien décider d’abandonner le programme entièrement s’il ne s’intègre pas de manière fluide dans ses plans. Mais plusieurs indices suggèrent qu’un tel projet fait parfaitement sens pour la marque.

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Les ventes d’iPhone déclinent : elles ont été plus mauvaises que prévu sur les trois derniers mois de 2018 (- 15 %). A tel point que les chiffres de livraisons de l’iPhone ne seront plus détaillés dans les résultats trimestriels de l’entreprise. Apple mise donc sur le développement de ses services et ambitionne à terme de générer 50 milliards de dollars par an exclusivement sur ce volet. En 2017, celui-ci pesait 30 milliards de dollars, et un peu plus de 37 milliards de dollars en 2018. Après le lancement d’Apple Music en 2015, la firme espère également le lancement prochain d’un service de kiosque premium (celui-ci fait toutefois face à une levée de boucliers de la part de plusieurs médias majeurs). Elle pourrait en outre lancer un service payant de vidéo en streaming dans les prochains mois dans l’espoir de contrer Netflix, mais aussi une carte de crédit, en partenariat avec Goldman Sachs, au printemps 2019.

Hors du cadre des services, lors du CES 2019 à Las Vegas, plusieurs fabricants de téléviseurs, dont LG, Sony, Samsung et Vizio, ont par ailleurs annoncé que leurs systèmes pourront fonctionner avec AirPlay 2, protocole créé par Apple qui permet de partager des contenus présents sur des appareils de la marque, dont les Mac, iPhone et iPad, éventuels supports pour jeux vidéo.

Côté modèle économique, il paraît de plus clair qu’Apple, comme nombre de distributeurs de contenus aujourd’hui, entend désormais miser sur la formule Netflix pour séduire ses consommateurs. L’année dernière, The Information rapportait que l’entreprise imaginait un bouquet streaming qui réunirait Apple Music, son futur service de vidéo à la demande, et son kiosque premium. Ce bouquet pourrait-il aussi inclure un service de jeux vidéo ?

Le pari de l’exclusivité

Apple pourrait décider de prendre à la fois en charge la distribution et le marketing pour une sélection de jeux, qui seraient alors proposés en exclusivité sur la plateforme. L’exclusivité semble justement représenter une stratégie pertinente pour espérer bousculer un tant soit peu Steam – la plateforme de distribution en ligne de Valve détient 85 % du marché des jeux vidéo sur PC et revendique 90 millions d’utilisateurs actifs par mois, soit l’équivalent de la population entière d’un pays comme le Vietnam.

En décembre dernier, Epic Games, filiale du géant numérique chinois Tencent derrière le phénomène Fortnite, avait lancé sa propre plateforme en ligne de distribution de jeux vidéo, l’Epic Games Store. Moins de deux mois plus tard, elle avait signé plusieurs jeux en exclusivité ou semi-exclusivité sur sa plateforme. Ubisoft lui a confié la version PC de son jeu Tom Clancy’s The Division 2, sinon disponible uniquement sur Uplay, la boutique en ligne de l’éditeur français. Un coup dur pour Steam, qui passe alors à côté d’un jeu très attendu de l’un de ses partenaires majeurs. Ubisoft et Epic Games prévoient en outre de soutenir cette alliance exclusive en partageant d’autres jeux tout au long de l’année. A noter toutefois que le jeu d’Ubisoft Far Cry : New Dawn, sorti le 15 février dernier, a été lancé sur Steam et Uplay. L’éditeur français ne mise donc pas tout sur la plateforme d’Epic Games.

Un autre éditeur français, Focus Home Interactive, a lui aussi décidé de d’abord distribuer la version PC de l’un de ses nouveaux jeux, World War Z, via l’Epic Games Store. Steam devait initialement gérer les préventes de ce titre lui aussi attendu – il a été annoncé en 2017, mais ne devrait sortir qu’en 2019 –, mais celles-ci se font aujourd’hui chez la filiale de Tencent. Nouveau revers pour la plateforme de Valve.

L’éditeur allemand Deep Silver a ensuite décidé de distribuer pendant un an son blockbuster Metro Exodus sur PC chez Epic Games Store uniquement. Le produit était jusque-là en prévente sur Steam, qui a par la suite qualifié la décision de Deep Silver d’ « injuste envers les clients ». Parmi les autres exclusivités de partenaires tiers dénichées par l’Epic Games Store figurent Hades de Supergiant Games, Ashen de A44, Rebel Galaxy Outlaw de Double Damage, et les versions PC de Close to the Sun de Stom in a Teacup, Journey de thatgamecompany (édité par Sony Computer Entertainment), Dangerous Driving de Three Fields Entertainment ou Hello Neighbor: Hide & Seek de tinyBuild Games.

Récompenser les développeurs et éditeurs

Des clauses d’exclusivité qui pourraient donc inspirer Apple pour sa possible future plateforme de distribution. Mais l’entreprise de Tim Cook pourrait surtout choisir de prendre exemple sur la raison-même qui pousse ces différents studios et éditeurs à choisir Epic Games Store plutôt que Steam. La filiale de Tencent avait annoncé lors du lancement de sa plateforme en décembre qu’elle proposerait aux développeurs un « meilleur arrangement » que ce qu’offre Steam, par exemple : « ils reçoivent 88 % de l’argent que vous dépensez, contre seulement 70 % autre part ». Epic Games prélève donc 12 % de commission (dont 5 % de royalties) sur les transactions effectuées sur sa plateforme, contre 30 % historiquement chez Steam.

L’approche d’Epic Games permet « aux créateurs de jeux de réinvestir davantage dans le développement de grands jeux et d’améliorer toute l’économie des boutiques de jeux vidéo pour tout le monde », a souligné Tim Sweeney, le fondateur et CEO d’Epic Games. Du côté de l’Allemand Deep Silver, le CEO Klemens Kundratitz a affirmé que les termes de l’Epic Games Store « changent la donne » et permettront aux éditeurs d’assurer davantage leur avenir.

Steam a tout de même abaissé sa commission sur les jeux qui dépassent les 50 millions de dollars de revenus à 20 %, et à 25 % pour les jeux qui dépassent les 10 millions de dollars de revenus. Un signe que Steam a senti l’importance de garder dans ses rangs les grands développeurs et éditeurs, qui pourraient être tentés de développer leur propre plateforme pour éviter ces commissions. Ou d’aller voir une autre plateforme, comme Epic Games ou le futur service d’Apple, peut-être.

Le freemium, un modèle à suivre ?

En termes de contenus proposés, Apple pourrait en outre profiter de la popularité des jeux freemium, où le produit lui-même est gratuit, mais inclut des services complémentaires payants ou des versions payantes. Toutefois, ce modèle mène souvent vers le pay-to-win, où les joueurs qui procèdent à des microtransactions au sein du jeu accèdent à une meilleure expérience de jeu et prennent l’avantage sur les joueurs non payants. Si ce modèle a provoqué la colère de nombreux joueurs dans le monde – en plus d’une certaine forme d’addiction –, il fonctionne : Fortnite, qui compte 200 millions de joueurs, a généré 2,4 milliards de dollars de recettes en 2018, grâce notamment à des mises à jour payantes pour personnaliser les parties. Mieux encore, Apex Legends, la réponse du studio Respawn Entertainment, filiale d’Electronic Arts, à Fortnite, avait été téléchargé par 25 millions de joueurs une semaine après sa sortie le 4 février, et par 50 millions de personnes sur PC, PlayStation 4 ou Xbox One, après un mois. Fortnite ne comptabilisait « que » 20 millions de joueurs six semaines après sa sortie en juillet 2017. Face à ce nouveau rival, Epic Games n’a pas tardé à lancer une saison 8 de son battle royale. A croire que le freemium a encore de beaux jours devant lui.

Les nouveaux acteurs du jeu vidéo dématérialisé pourront par ailleurs peut-être tirer (momentanément) profit d’une nouvelle controverse du côté de Steam. Ce dernier a encore une fois provoqué la colère de ses utilisateurs après la découverte sur la plateforme d’un jeu appelé Rape Day (« jour de viol »). Le titre prend la forme d’un roman visuel via lequel le joueur doit « harceler verbalement, tuer et violer des femmes » pour progresser dans l’histoire, ainsi que l’indiquait la description (le jeu, destiné à un public adulte, a depuis été retiré du catalogue). Le choix initial d’autoriser la distribution de Rape Day sur sa plateforme est notamment en accord avec la philosophie de Steam. Celle-ci consiste à « tout autoriser sur le Steam Store, à part pour les choses que nous rendons illégales, ou simplement du trolling », d’après une réaction de l’entreprise qui avait suivi une précédente controverse en juin 2018. Un scandale qui suivait lui-même d’autres affaires du même genre au fil des années. Si cette nouvelle polémique ne devrait pas impacter durablement les résultats de la filiale ultra rentable de Valve, elle reflète une certaine volonté de changement de philosophie. Reste à savoir dans quel sens le vent va tourner.

Une foule de concurrents dans un secteur en plein bouleversement

Si Apple décide effectivement de lancer une plateforme de distribution de jeux vidéo, il devra dans tous les cas se différencier d’une foule d’autres concurrents que Steam et l’Epic Games Store, dans un secteur en plein bouleversement qui finit par l’emporter sur ceux qui manquent leur digitalisation. La plateforme Origin, par exemple, peut profiter du catalogue conséquent de sa maison-mère Electronic Arts. Lors de l’annonce de ses résultats, en février dernier, le développeur américain de jeux vidéo avait annoncé que son service d’abonnement Origin Access, actuellement disponible sur Xbox One et PC, sera également accessible sur une autre plateforme (la Nintendo Switch ou la PlayStation 4). Parmi les autres acteurs du jeu vidéo dématérialisé, se trouvent également aujourd’hui le Xbox Store de Microsoft (qui pourrait sortir une console aux jeux 100 % dématérialisés en avril), le PlayStation Store, ou encore Direct2Drive, GamersGate, itch.io, Nuuvem, et Kartridge.

Un autre membre des Gafa lui aussi friand de diversification, Amazon, bâtirait actuellement de son côté un service de gaming via le cloud. La plateforme pourrait être lancée dès 2020. Eliminer le besoin d’acheter les jeux physiques avait déjà constitué une étape cruciale dans l’industrie. Désormais, le téléchargement lui-même pourrait bientôt être de l’histoire ancienne. L’année dernière, Microsoft avait lui aussi fait part de son intention d’investir dans le cloud gaming, avec la création d’une nouvelle division spécialement dédiée au domaine. L’entreprise avait par ailleurs acquis plus tôt dans l’année PlayFab, spécialiste du cloud gaming. Le principal rival de Microsoft sur le marché, Sony, avait auparavant lancé son service PlayStation Now, qui permet, en échange d’un abonnement mensuel de profiter d’un catalogue de plus de 500 jeux, exécutés sur des serveurs à distance. D’autres initiatives dans ce sens émergeaient alors déjà en Europe, à l’image de la start-up rennaise Blacknut, qui développe une plateforme cloud de jeux vidéo en streaming, ou de Blade, qui a lancé un ordinateur spécialement conçu pour le cloud gaming.

A noter aussi qu’en octobre dernier, la communauté XDA Developers soulignait que Google Play, le magasin d’applications de Google, pouvait être en plein développement d’un service d’abonnement baptisé « Play Pass ». Celui-ci permettrait de télécharger des applications, et donc des jeux mobile, de manière illimitée contre un paiement mensuel.

Le mois dernier, le développeur américain Razer, un potentiel rival, a de surcroît abandonné sa plateforme en ligne de distribution de jeux vidéo, le Razer Game Store. Lancée en avril 2018 dans le cadre d’un plan de repositionnement et dans l’espoir de prendre une part du gâteau de la distribution numérique de jeux vidéo, la plateforme aura échoué à constituer la moindre menace pour Steam en moins d’un an. Du côté du Polonais GOG.com, la situation semble elle aussi délicate : face à des pressions financières, le service de distribution et de vente de jeux vidéo a dû licencier une dizaine d’employés le mois dernier. D’éventuels concurrents de moins pour Apple, qui ne devra pas quitter Steam des yeux une seule seconde. La plateforme a de nombreux projets pour 2019 : un travail sur la visibilité en magasin, la mise à jour de sa bibliothèque, l’extension de SteamTV, une nouvelle application mobile de chat, le lancement d’un programme « Steam PC Café », mais surtout un lancement en Chine, en partenariat avec Perfect World.

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